Maryi

(1974)

« Toucher la matière avec les yeux, la regarder avec les mains. Laisser les mots se dérober. Peindre, éprouver la poésie de cet espace “entre”, celui de l’effleurement, de l’aube, du mouvement, toujours inachevé. »

Les mots ne disent pas tout. Ils disent mais réduisent, traduisent mais trahissent, et se dérobent dans une fuite de sens. Maryi invente un langage, une syntaxe esthétique qui élargit les horizons, explore les nuances, mesure l’infini, parcourt l’amplitude, accueille les paradoxes et l’incomplétude, honore l’altérité et apprivoise ce qui nous échappe.  N’est-ce pas ainsi que l’artiste est-au-monde, confrontée à l’indicible, osant d’autres chemins, et nous invitant à ouvrir notre regard sur une singulière poétique démultipliant les possibles jusqu’au vertige des dimensions insoupçonnées ? Les mots ne suffisent pas, et Maryi les rend parfois à leur silence. Elle ouvre des espace-temps qui transcendent les coordonnées réductrices, des lieux-tiers où le mouvement déjoue les dualités et les contradictions apparentes. Elle déploie une langue de courbes, de formes, de reliefs, d’aspérités, d’encre et de pigments, de fragments et de matières. Entre hasard et composition, dans cet au-delà de soi, l’œuvre est ce qui advient, à la fois visible et invisible. De cette mise en suspens, hors du temps, entre calme et tension, émerge de profondeurs souterraines une beauté, comme une évidence, qui se révèle à la lumière. « La création est un espace vivant de désir et de souffle, un temps de maturations lentes, d’impulsions et de surgissements, un mouvement, toujours inachevé ». Un mouvement que l’artiste interroge parfois : « Je ne sais pas nommer les commencements ; ils sont tout à la fois dans mon histoire, dans mes lectures, dans les rencontres, dans la poésie d’un son, d’un visage ou d’un paysage… ». Cet autre langage, celui de l’Art, a toujours accompagné Maryi dans les remous de l’existence, les pulsations du désir, l’insaisissable de l’être. Elle donne libre cours à ce propos esthétique, ne le contient jamais dans les barrières de la certitude ou les frontières de la perfection. Elle ne sait pas toujours, du geste, ce qui surgira. Elle peint, découpe, dissocie, associe, colle, superpose, ces fragments qui livrent un récit aussi poétique qu’imprévisible, récit qui se dessine comme une rêverie. Le travail de Maryi fait écho à la réflexion du philosophe Jean-Luc Nancy sur la singularité de l’Art : « L’art se place à côté du langage, ou est traversé par le langage, pour exposer le sens, hors de la signification. Le langage nous mène à ce bord extrême où on ne peut plus nommer. L’art est là et il peut nous amener au-delà. Il montre qu’il y a une dimension hors langage ».

Un flux créatif irrigue actuellement trois séries d’œuvres. La série Ecrire est un travail de collages sur papier, une manière de voiler et dévoiler dans un même mouvement. Un roman qui se trame, entre les formes, les lignes, les ruptures, les assemblages. Un roman tissé de mémoires, de songes, de douceur et d’intranquillités, qui prend vie dans les plis d’un papier fait à la main, parfois un parchemin. Chaque œuvre de cette série est comme une page et « chaque page est habitée de sa propre histoire. Il n’y a jamais de incipit puisque le commencement est bien antérieur aux gestes, et ce qui apparaît conduit à autre chose, toujours inachevé », suggère l’artiste qui s’interroge : « peindre, écrire, est-ce si différent au fond ? Délicieux paradoxes, entre l’empreinte et la sensualité du détachement, saisir, lâcher ». Les mots reviennent alors dans ce langage de formes et de pigments : la poésie des titres des œuvres ouvre une dimension autre que celle du regard. « Je crois à la terre parce qu’elle est là, elle fait des roses », « D’abord un son, ou une forme, ou un reflet », autant d’intitulés qui entourent l’œuvre d’un mystère onirique. Parfois les titres sont des extraits de phrases en suspension, énoncés sans majuscule initiatrice, saisis au vol de leur déploiement, sans référence à un ordonnancement. le titre vient dans l’après coup de l’œuvre, de la narration qui se révèle alors.

Une autre série déployée par l’artiste s’intitule Poiein. Un éloge de la main, qui incarne la démarche de Maryi, cette manière singulière de ne jamais dissocier les mots et les formes, la poésie et la gestuelle créatrice. Car les mots tentent de dire le monde autant qu’il le touchent et le créent, nouant ainsi le réel et le symbolique. L’artiste rappelle que le mot poésie vient de ce verbe grec poiein qui signifie faire, fabriquer – avec des mots. Dans cette série, les formes et les matières associent le charnel et le spirituel. Maryi utilise un papier fait à la main en Asie, continent qu’elle arpente inlassablement à la rencontre de cultures particulièrement inspirantes, de pensées en résonance avec son travail. Un papier élaboré à partir de tissus, papiers, herbes et fleurs recyclés, par un procédé qui permet d’obtenir des feuilles épaisses et denses d’une histoire qui peut s’entrevoir dans les fibres, les vergetures et les imperfections : un matériau vivant et sensuel comme une peau. Un papier qui « raconte les mains de ceux qui l’ont façonné ». L’artiste vient, par sa propre gestuelle, perpétuer le récit incarné dans les replis de la matière, en déposant des couleurs et des lignes. L’encre, les cires et les pigments imprègnent la peau de papier. Le fruit de cette rencontre est toujours imprévisible, unique, à l’image de cette altérité qui nous échappe. Maryi s’inspire d’une pensée de Octavio Paz dans L’Arbre Parle : « L’œil est une main, la main un œil multiple ». Une invitation à explorer, de tous nos sens, les possibles d’une rencontre.

De rencontre il est aussi question dans une troisième série, Corps. Une rencontre entre la forme et l’espace, un travail sur le déploiement de la forme et de la force invisible qui la traverse, inspiré du mouvement du corps qui fait danser les frontières entre intériorité et extériorité, intime et extime.  Là encore, Maryi décloisonne l’espace-temps, se joue des limites et de la linéarité. Indéniablement, cette série pose la question de la présence au monde et de l’identité : trouver l’axe de gravité, ce souffle ineffable qui engendre l’élan, permet de s’ouvrir à l’Autre et d’accueillir l’ailleurs. Une réflexion sur la forme que l’artiste met en mouvement pour en révéler la puissance, lui permettant ainsi de ne pas rester figée dans les contours d’une figure définie a priori. Une inspiration : la danse, la chorégraphie, comme une allégorie de notre être-au-monde, entre gravité et légèreté. Maryi saisit dans cette série les corps en mouvement, « animés par les tensions et les intentions, les déséquilibres, les traces, les émotions et les accidents ». Elle situe ce travail comme une « re-figuration imaginaire » : « saisir l’intention, étirer les formes, les tordre, les fragiliser parfois, les déconstruire et les recomposer ».

Le langage esthétique de Maryi est un dialogue, entre le plein et le vide, l’harmonie et la dissonance, le dehors et le dedans, la présence et l’absence, la finitude et la renaissance, l’obscurité et la lumière. Maryi éprouve la saveur des interstices, explore les intervalles, l’inconnu de l’entre-deux, accueille la force de l’intention pour suggérer le lien subtil et mystérieux, par delà les césures et les oppositions. Dans l’imperfection s’ouvre l’espace du désir. L’origine de la création. La faille d’un possible.

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