L'ART DE NE PAS L'ÊTRE, l'histoire du graffiti des années 80 à aujourd'hui.

« L’art de ne pas l’être », une exposition pensée et scénographiée par Audrey Hatchikian, retrace l’évolution du graffiti et de ses supports, des années 80 à aujourd’hui. L’exposition met à l’honneur ses précurseurs notamment grâce aux photographies inédites d’Henry Chalfant. Et pour la première fois, en exclusivité depuis leur création, l’exposition les panneaux du Writers Tours.

Cette exposition a également pour vocation de mettre en lumière la diversité des supports utilisés dans le mouvement du graffiti et du street art, notion majeure dans la définition de l’art contemporain tel qu’il s’illustre au travers du mouvement Graffiti. Des artistes tels que Jérôme Mesnager avec ses oeuvres sur bois, les pièces récupérées dans le métropolitain d’O’Clock ou encore les tissus d’Alexone Dizac en sont les témoins.

Le graffiti et ses supports dans l'histoire de l'art.

L’histoire de l’art souligne en effet l’importance du support dans la différenciation entre art contemporain et art moderne. En effet, nous pourrions simplement définir comme contemporain celui qui vit à notre époque. Mais quid de Warhol et Basquiat (+1988), Rauschenberg (+2008), Zao Wou Ki (+2013) ou encore Keith Haring ? Aussi une autre définition peut-elle être utilisée pour l’art contemporain : c’est celui qui transgresse la notion même d’œuvre d’art dans son acception commune ; c’est celui dans lequel le support toile ou l’artiste exécutant son œuvre ne s’imposent plus comme une nécessité. Jeff Koons, Damien Hirst ou encore Xavier Veilhan sont autant d’artistes pour lesquels le concept et la fabrication comptent plus, in fine, que l’œuvre elle-même. Il en va ainsi des fameux Balloon dogs de Jeff Koons, reproduction fidèle d’un chien gonflable, ou des Trésors du passé de Damien Hirst (récemment exposés à Venise), où les pièces proposées constituent un véritable trompe-l’œil des œuvres de l’époque.

C’est donc cette définition que nous allons utiliser afin de caractériser la manière dont le Graffiti s’est imposé comme un mouvement d’art contemporain aujourd’hui incontournable.

Brève histoire du graffiti.

« Graffiti » est la dénomination générique des dessins ou inscriptions peints ou tracés de diverses manières sur un support qui n’était pas destiné à cet usage. Aujourd’hui, le street-art, est un « mouvement » artistique contemporain regroupant toute forme d’art réalisée dans la rue, avec une autorisation, ou sur divers supports usuels du monde artistique. Est-il pour autant possible de différencier le graffiti du street art par l’illégalité de l’un et l’acceptation de l’autre ?

La fin de la Seconde Guerre mondiale et la naissance du « village global » ont apporté une nouvelle dimension à l’art et aux « murs » avec, notamment, l’émergence de la publicité et la vulgarisation de l’art au travers du Pop-Art, symbolisé par Andy Warhol et ses sérigraphies. Nombreux sont les artistes qui ont pris en compte ce support pour s’exprimer, autant auprès du public qu’auprès du monde institutionnel de l’art.

Le graffiti, quant à lui, a érigé le mur, via la culture Punk puis Hip-Hop, en moyen de revendication plus politique, la notion « d’art » à proprement parler n’en étant pas l’essence.

L’importance de ce mouvement – récupéré par le monde marchand – l’a rendu incontournable, incitant les institutions à se l’approprier. Cette antinomie entre le caractère anti-commercial d’un mouvement à la dimension « politique » et les vues traditionnelles des institutions artistique a sans doute constitué le plus grand obstacle à la reconnaissance du Graffiti comme forme d’art.

La liberté de pouvoir s’exprimer et d’espérer que l’œuvre sera vue et appréciée du plus grand nombre a inspiré beaucoup d’artistes qui n’imaginaient pas intégrer le milieu de l’art. Le plaisir d’utiliser la ville comme support, la liberté de s’exprimer et la facilité de la technique (acrylique, bombe…) ont permis à plusieurs jeunes artistes de faire de cet environnement porteur une école.

Pour faire du graffiti un mouvement artistique reconnu par le marché, il devenait essentiel de commercialiser les œuvres. Dans cette optique, les artistes durent remplacer les murs de la ville par des supports plus conventionnels : toiles, jute, tissus, bois, ciment… Les institutions telles que la fondation Cartier, Artcurial ou le Musée de La Poste prendront alors la liberté de nommer ce « nouveau courant » le Street Art ou Urban Art, termes repris par maintes galeries marchandes.

Notre propos est de montrer que les artistes actuels ne sont pas des graffeurs – et encore moins des street artists –, mais des artistes contemporains qui ont évolué avec leur époque, développé des techniques et élaboré des concepts résolument « artistiques ». Dans cet esprit, nous vous présentons des photographies de l’époque Graffiti – métro, train, murs… capturées par Henry Chalfant, des panneaux réalisées en 2004 lors du Writers tour, ils mettent en abime l’évolution d’un mouvement qui cherche à se faire accepter dans le cercle des initiés de l’art. Enfin des œuvres d’artistes reconnus aujourd’hui, issus de ce mouvement et travaillant plusieurs techniques sur différents supports (bois, ciment, tissus…).

Notre souhait est que la qualité des œuvres proposées et leur caractère exceptionnel révèlent l’évolution de ces artistes au travers de leur support et de leur réflexion, points essentiels de la reconnaissance par le milieu de l’art contemporain.