Depuis deux ans Hatchikian Gallery a développé un partenariat avec Quai 36 pour présenter des artistes travaillant à la fois en espace public pour des réalisations murales et en atelier sur toiles ou différents supports. Cette dualité nourrit l’élan de pratiques qui associent fulgurance créative et recherche esthétique, pour le déploiement de trajectoires singulières qui ont pu s’imposer sur la scène artistique contemporaine. Pour fêter les deux ans de succès de ce ce partenariat qui a mis en lumière des talents émergents issus de l’art urbain, Hatchikian Gallery et Quai 36 présentent un group show qui réunit la diversité des propos visuels des artistes exposés au cours de ces dernières saisons dans le cadre de cette perspective croisée entre le regard d’une galeriste et celui de producteurs d’art pour les lieux en transition. Audrey Hatchikian et Julie Frydman proposent une scénographie dynamique qui associe les univers hétéroclites des artistes qui ont ponctué deux années de rencontres et d’événements : un accrochage inédit rythmera la confrontation entre les gimmicks graphiques facétieux de David Bruce, les architectures oniriques inspirantes de Chazme, les colorimétries organiques de Nelio, les abstractions captivantes de Yann L’Outsider, les géométries vibrantes de Simon Poter, les calligraphies humanistes de Zepha et la chromatique magnétique des éléments de Zabala.
Le parcours artistique de David Bruce s’est déroulé sans préméditation, comme une expérience ludique où les couleurs et les formes apparaissent une manière d’entretenir un rapport insouciant à l’existence, en accueillant toutes les occasions d’exprimer les vibrations optimistes qui allègent les pesanteurs.
Découvrir l’univers de Simon Poter est un véritable enchantement car si l’artiste inscrit son œuvre dans le mouvement de l’abstraction géométrique, la rigueur formelle est déjouée par une rythmique éclatante qui nous entraîne dans un élan résolument vibrant et l’on ressent intensément toute la dimension de plaisir qui émane de la démarche de l’artiste.
Si la collaboration entre Hatchikian Gallery et Quai 36 se poursuit au fil des expositions présentés depuis l’inauguration d’un partenariat en 2022, c’est par l’élan d’un enthousiasme contagieux qui réunit les équipes, les curatrices, les artistes, pour mettre en lumière des talents à découvrir à travers des scénographies origines, venues d’affinités électives entre des personnalités qui ont avant tout plaisir à travailler ensemble et partager leurs émotions artistiques.
Est-ce le décor contrasté de son enfance, des maisons alignées, un bassin industriel dans un écrin naturel paysager, qui a imprégné l’univers artistique de Nelio, dont l’œuvre joue une partition de nuances entre minimalisme formel et expressionnisme abstrait, comme une tentative de faire coexister, dans un propos esthétique, des idées en apparence antagonistes ?
Si Pablo Zabala s’est initié très jeune au dessin et à la peinture avant de donner libre cours de façon autodidacte à son langage visuel en espace public avec la réalisation de graffitis et fresques rapidement remarqués, son intérêt pour la pratique artistique l’a conduit a étudier les Beaux-Arts à Bilbao. En effet, de son point de vue, un artiste accompli doit se confronter humblement aux grands maîtres qui ont marqué l’Histoire et apprendre à maîtriser les techniques de la peinture classique, pour mieux cheminer en affirmant sa propre singularité. Il en va de l’inscription dans le monde commun artistique qui nous précède, qu’il s’agisse l’accueillir comme référence ou de proposer une démarche en rupture. Se distinguer, construire son identité artistique, ne signifie pas faire table rase du passé ou dénigrer l’histoire : laissons aux nihilistes l’illusion de leurs égos prométhéens.
Si l’architecture est le premier art, l’art majeur de concevoir et construire des espaces, elle constitue la matrice de la recherche picturale de Chazme, une abstraction formelle inspirée des géométries urbaines et nuancée d’une chromatique singulière qui ouvre une perspective métaphorique. L’univers formel qui se déploie comme un dédale d’édifices représente-t-il ce à quoi l’Homme se heurte dans la contemporanéité postmoderne ? S’agit-il des labyrinthes intérieurs dans lesquels nos rêves nous entraînent ? Ces artefacts sont-ils de nature à nous relier ou à nous séparer, nous isoler dans des ségrégations murales ? L’œuvre de Chazme ouvre d’inépuisables questionnements aussi bien d’ordre intime que sociétaux.
Hatchikian Gallery et Quai 36 renouvellent leur collaboration avec un événement qui ouvrira l’année 2023 : un Group Show, exposition de trois artistes de renommée internationale dont les univers dialogueront au prisme d’une scénographie originale imaginée par les curatrices Audrey Hatchikian et Julie Frydman. Chazme, Nelio et Zabala ont investi des murs aux quatre coins du monde avec des réalisations monumentales et saisissantes par leur puissance évocatrice avant d’explorer la toile en atelier pour une recherche qui ouvre l’abstraction à de nouvelles orientations créatives.
Le Module de Zeer, matrice de l’œuvre de Mehdi Cibille, se développe en se répliquant à l’infini des possibles. Cette dynamique virale de la forme constitue le propos d’une œuvre expérimentale et auto-référentielle, qui s’attaque avec malice à tous les supports et toutes les surfaces, surprenant toujours celui ou celle qui en rencontre les méandres. Mehdi Cibille explore toute la démesure des duplications imaginables de son Module dans un espace aux dimensions multiples. Du logo au logos, le graphisme expansé discourt sans fin, comme un langage gouverné par sa propre raison, un énoncé performatif qui déploie sa propre effectivité. Le Module nous invite à appréhender les déterminismes qui happent notre subjectivité, les mécanismes qui nous piègent et nous réduisent à la condition d’objet.
Pour voir à quoi ressemblait Toxic à 18 ans, le mieux est d’aller déambuler dans les collections du Whitney Museum à New York. Parmi les œuvres de Basquiat, la toile intitulée Hollywood Africans représente, dans ce langage visuel si singulier, un trio d’artistes formés par Basquiat lui-même, Rammellzee et Toxic, trois « gangsters » stéréotypés dans le mythe hollywoodien, trois new-yorkais afro-américains cherchant à inscrire leur nom dans un univers encore inaccessible et peu reconnaissants du talent issu des marges, des banlieues et des minorités. Une série de mots fait référence au rôle peu brillant réservé aux noirs dans les films de l’âge d’or du cinéma. Des mots slashés, rayés, qui en disent long sur la ségrégation qui fracture la société d’alors.