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Toxic, l’irrévérence de la couleur

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Pour voir à quoi ressemblait Toxic à 18 ans, le mieux est d’aller déambuler dans les collections du Whitney Museum à New York. Parmi les œuvres de Basquiat, la toile intitulée Hollywood Africans représente, dans ce langage visuel si singulier, un trio d’artistes formés par Basquiat lui-même, Rammellzee et Toxic, trois « gangsters » stéréotypés dans le mythe hollywoodien, trois new-yorkais afro-américains cherchant à inscrire leur nom dans un univers encore inaccessible et peu reconnaissants du talent issu des marges, des banlieues et des minorités. Une série de mots fait référence au rôle  peu brillant réservé aux noirs dans les films de l’âge d’or du cinéma. Des mots slashés, rayés, qui en disent long sur la ségrégation qui fracture la société d’alors.

Le trio des Hollywood Africans : Basquiat, Rammellzee et Toxic

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Hollywood Africans in front of the Chinese theater with footprints of movie stars, 1983 – Jean-Michel Basquiat

L’histoire de cette toile ? Les trois complices, pionniers de l’art urbain new-yorkais et de la génération hip-hop, débarquent à Hollywood en 1983. Toxic et Rammellzee accompagnent Basquiat, qui prépare une exposition à la demande de la galerie Gagosian. Car dans cette Amérique des années 1980, les jeunes artistes issus de la contre-culture s’émancipent de la rue et des supports urbains pour créer sur toile, encouragés par l’engouement de marchands d’art avant-gardistes qui les feront passer du vandalisme de bande au règne du marché. Cette année 1983 est aussi celle où Basquiat devient non seulement le plus jeune artiste mais aussi le premier artiste noir à être exposé à la biennale du Whitney Museum. Quant à Rammellzee, personnage excentrique semblant tout droit venu de la science fiction, accoutré de tenues improbables, revendiquant un pseudonyme révélé dans une équation mathématique, il est déjà l’une des figures emblématiques du hip hop. Il a publié son manifeste, une théorie du futurisme gothique, posant les bases d’un propos artistique qui entend projeter dans le futur la trajectoire millénaire de l’alphabet. Les lettres doivent être dissociées de leur fonction littéraire et des systèmes linguistiques normatifs pour devenir, dans leur déconstruction graphique et visuelle, les armes d’une bataille « galactique » que l’artiste représente dans un espace dynamique et haut en couleurs, déployant une esthétique qui pourrait sembler inspirée de la science fiction mais que Rammellzee associe à l’écriture cryptique des manuscrits. Également rappeur, il a réalisé son premier 45 tours, Beat Pop, en 1982 et sollicité son ami Basquiat pour illustrer la pochette.

Basquiat et Toxic, frères d’Art

C’est peu de temps avant ce voyage à Hollywood que Toxic, pseudo artistique de Torrick Ablack, fait la connaissance de Basquiat, alors qu’il graffait depuis sa jeune adolescence dans le Bronx où il est né, avec cet esprit vandale qui transforme les métros, les voies ferrées et les murs de béton en une toile à conquérir, un territoire dans lequel faire valoir sa place. Avec d’autres graffeurs de l’époque, Toxic est l’un des pionniers de cette culture réactive à l’envahissement des visuels publicitaires d’une société de la démesure et de la marchandisation insensée qui exclut tous ceux qui n’ont pas le billet pour monter dans le train en marche. Un art contextuel, qui participe de cette communauté hip-hop aspirant à trouver sa place sur la scène. Toxic rencontre Basquiat dans une boîte de Chelsea, par l’intermédiaire A-One. Basquiat a 5 ans de plus, est déjà passé de la rue à la galerie ; il va reconnaître en Toxic un frère d’Art. Une marque d’intérêt de la part d’un artiste déjà sur la voie du succès, un acte de confiance essentiel dans le parcours de Toxic, un regard bienveillant qui va lui assurer une légitimité à affirmer son talent et l’inviter à déployer son énergie créatrice sur la toile plutôt que risquer la prison en lançant des bombes de couleur. « If you sell cheap you are cheap », une de ces phrases qui fusent dans une conversation de Basquiat à Toxic, qui accompagnera ce dernier dans sa vie d’artiste, et d’homme. Il reste ici et là quelques photos des deux artistes, rayonnant d’une évidente complicité.

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Hollywood Africans, 1983 – Jean-Michel Basquiat

Toxic, la révolte par l’insoumission de la couleur

En 1984, le jeune graffeur du Bronx a presque 20 ans, il apparaît en figure centrale d’une toile de Basquiat intitulée simplement « Toxic », un mix de collages et d’acrylique sur lequel Toxic est représenté au pastel gras, auréolé d’un cercle protecteur qui marque toute l’estime de son aîné, les bras en l’air en signe d’une révolte pacifique et sans armes, une œuvre sans doute inaugurale du chemin désormais suivie par Toxic, l’insoumission par la couleur, la sublimation et la beauté pour révéler en contrechamp la laideur d’une société de pulsions avides.

La couleur en fusion

Décontextualiser l’art de son support et de son sens urbain, c’est trouver sa place dans la lignée des artistes, dans l’histoire de l’art, vertigineux défi du passage de la rue à la galerie et au musée. Conserver la bombe, c’est conserver une part de sa révolte. Travailler en aérosol sur toile, perpétuer l’esprit dans un symbolisme coloré pour aller vers l’abstraction, toujours avec cette fulgurance de la gestuelle instinctive, réactive, comme une urgence, un irrépressible besoin de dire. Une intensité, une force, anime les œuvres de Toxic. Un espace pictural dense occupe des toiles d’où fuse et irradie la couleur, dans un surgissement indiscipliné, résolument insoumis à la face sombre du monde.

Un envol vers l’Europe

L’artiste prend son envol avec une exposition à la galerie Fashion Moda à New York, mais va rapidement s’éloigner de cette ville qui l’a vu grandir. Il participe en 1984 à un group show sur le graffiti new-yorkais en Italie et à 21 ans, il s’expatrie pour s’établir dans ce pays aux couleurs chaudes où il va vivre et créer, avec la France pour deuxième maison. Toxic raconte qu’après son départ, il est resté très proche de ses comparses Basquiat, Rammellzee et A-One, projetant même de traverser l’Afrique ensemble, juste avant la disparition tragique de Basquiat à 27 ans en 1988. Plus tard, c’est Ramellzee qui disparaît à son tour, et Toxic reste le seul artiste des trois Hollywood africans à colorer une vie dont il honore désormais les plaisirs, soucieux de la force de transmission. Florence, où il vit, est probablement aux antipodes de la démesure new-yorkaise. Un ancrage dans l’histoire de l’art qui l’invite à discerner la part d’imposture qui marque parfois les street artistes autoproclamés et à s’agacer des snobismes en la matière.

Toxic, 1984 – Jean-Michel Basquiat

Une place dans les musées, sur et derrière la toile

Toxic a construit une œuvre singulière au fil d’expositions remarquées, parcours qui lui vaut désormais une place dans les musées – pas seulement comme figure apparaissant dans les toiles de Basquiat – mais bien pour ses propres réalisations, notamment au Brooklyn Museum à New York qui compte l’œuvre Ransom Note CEE de 1984 dans ses collections. Toxic déploie une œuvre à la fois iconoclaste et audacieuse, complexe et jouant de la dérision. Une œuvre fascinante d’où jaillit l’énergie d’un tourbillon, où la couleur crée un mouvement fulgurant. Un des rares artistes contemporains qui peut se targuer d’être admiré à la fois en figure sur la toile et en auteur. On reconnaît Toxic dans au moins trois œuvres de Basquiat, outre l’iconique Hollywood Africans et son portrait Toxic, dans une autre réalisation datant du séjour sur la côte ouest : Hollywood Africans in front of Chinese Theater with Footprints of Movie Stars. Un autre miroir ironique de la représentation des minorités sur l’écran, qui participe d’un thème récurrent et prépondérant dans l’œuvre de Basquiat : cette culture afro-américaine à l’identité métissée, mise en lumière et à l’honneur pour porter un message politique dénonçant les inégalités raciales et sociales.

Les années 2000, une reconnaissance internationale

En 2006, Toxic participe à l’exposition « Graffiti » au Brooklyn Museum, rétrospective incontournable d’un mouvement qui a marqué l’histoire sociale new-yorkaise d’un métissage de contre-cultures. en 2009, il figure parmi les 150 artistes internationaux majeurs dont les œuvres sont réunies au Grand-Palais à Paris pour l’exposition « Tag », et l’on retrouve son travail cette même année à l’occasion de l’exposition « Né dans la rue » à la Fondation Cartier pour l’Art Contemporain. Se succèdent alors de nombreuses apparitions dans des expositions à thèmes, dans divers pays du monde et différentes scénographies, initiées par des musées ou par des villes. Dans le même temps, il est régulièrement exposé pour des solo ou group show dans des galeries de renom.

Writing the futur, une rétrospective majeure de la culture hip-hop à Boston

L’œuvre de Toxic acquise par le Brooklyn Museum, Ransom Note : CEE de 1984 a été présentée récemment au Museum of Fine Arts de Boston pour une exposition brillante qui a suscité un grand enthousiasme alors que nous vivions ces troubles temps de repli sur soi et de rétrécissement de nos horizons  : « Writing the future ». Une remise en contexte historique des œuvres multiformes de Basquiat, à la fois en peinture, sculpture, dessin, vidéo, musique et mode, ainsi que celles de ses contemporains, dont certains avec qui l’artiste a eu l’occasion de collaborer : A-One, ERO, Fab 5 Freddy, Futura, Keith Haring, Kool Koor, LA2, Lady Pink, Lee Quiñones, et bien sur Rammellzee et Toxic. Avec 40 ans de recul sur cette période foisonnante marquée par le décloisonnement de l’art, on comprend à travers cette rétrospective comment tout au long des années 1980, ces artistes précurseurs ont impulsé, par leur énergie créatrice, leur audace et leur irrévérence, une ouverture des arts, du design et de la musique à de nouveaux horizons déjouant les normes et les codes, contribuant à l’émergence d’une culture hip-hop qui va transformer la société. « Writing the Future : Basquiat and the Hip-Hop Generation » illustre comment la subversion d’un langage radicalement en rupture, tant visuel que verbal, a propulsé ces artistes, leur a permis de se faire une place incontournable et d’exercer une influence décisive sur les scènes de l’art et de la musique.

Toxic, sublimer en gardant cette part d’irrévérence

Si Toxic a fait sien le conseil de Basquiat, if you sell cheap you are cheap, on peut dire que l’artiste ne dérogera jamais à cette révolte contre ce que la société peut nous proposer en la matière… Toxic s’est détourné d’un vandalisme où il aurait pu, comme beaucoup rester enfermé. Ses couleurs rayonnent dans le monde, ses œuvres ont une valeur mais aussi un prix. Est-il passé pour autant de l’autre côté de la voie ferrée ? Ce serait un cliché de le penser… Car au fond, Toxic a graffé pour marquer son insoumission à la laideur. Et aujourd’hui il honore le goût des belles choses, mais jamais l’abondance, la démesure ou la saturation de marchandises. Il apprécie le design, les beaux objets, et collabore à des projets en partenariat avec de belles maisons comme Pierre Frey. Sublimer est la manière plus performative de se rebeller. Et c’est avec cette part d’irrévérence dans sa vie d’esthète qu’il continue résolument de créer, de décloisonner les frontières invisibles par les couleurs qu’il fait vivre ensemble.

Deconstruction #1, 2021
Acrylique et aérosol sur toile
Œuvre signée et datée au dos
H150 x L100 cm

Hatchikian Gallery présente Toxic

Hatchikian Gallery présente une sélection d’œuvres récentes de Toxic, emblématiques de son univers et de son propos artistique. Toxic crée, inspiré de musique et de sons, imprégné des événements de la vie, avec différentes vibrations selon le lieu où il se trouve, un atelier à Florence, un autre en Bretagne, ou ailleurs… Il poursuit son exploration de nouvelles forces d’abstraction, notamment à travers la déconstruction d’un langage visuel qui ne cesse de bousculer les normes. Découvrez les œuvres de Toxic dans nos collections et venez les apprécier dans notre Art Loft.

Fragment #2, 2021
Acrylique et aérosol sur toile
Œuvre signée et datée au dos
H150 x L100 cm

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