À la découverte de La Commanderie de Peyrassol, de la Fondation Venet, de la Fondation Maeght, de la Fondation Hartung Bergman et de la Fondation CAB, entre Var et Alpes-Maritimes.
Les escapades estivales sont l’occasion d’apprécier les horizons méditerranéens et les points de vue à couper le souffle depuis les hauteurs de l’arrière pays et des villages perchés. Mais la Côte d’Azur est aussi une destination artistique riche de lieux sublimes : en témoigne la présence de nombreuses fondations d’art dont la visite est un véritable enchantement.
La Commanderie de Peyrassol : un écrin de vignobles et de garrigue pour la collection Philippe Austruy.
Dans le Var, la Commanderie de Peyrassol, ordre templier fondé au 13ème siècle qui abrite depuis son acquisition et sa rénovation en 2001 par le collectionneur Philippe Austruy une exceptionnelle sélection d’art contemporain, est située sur la commune de Flassans sur Issole, à une trentaine de kilomètres de Saint-Tropez sur les contreforts du massif des Maures. À l’origine, une ancienne halte templière, un domaine viticole de 1000 hectares agencé comme un petit village provençal où l’on chemine entre vignobles, forêt d’essences méditerranéennes, bastide et son jardin botanique, potager, chais et centre d’art pour découvrir la collection de Philippe Austruy, ainsi que les sculptures monumentales et installations réalisées in situ par les artistes invités avec lesquels le collectionneur entretient des liens privilégiés. L’iconique installation en drapeaux de Daniel Buren ouvre le domaine, et l’on retrouve la signature de l’artiste sur les chais en transparences de couleurs. Les sentiers forestiers mènent jusqu’aux œuvres en plein air de Vasarely, Joana Vasconcelos, Ugo Rondinone, Bernar Venet, Ben, Arman, César, Gisela Colon, Dan Graham, Franck Stella, Anne et Patrick Poirier, Jean Tinguely et bien d’autres encore. Au cœur du domaine, le centre d’art, ensemble de trois bâtiments en béton conçu par l’architecte Charles Berthier expose les pièces de la collection Austruy : Niki de Saint Phalle, Bertrand Lavier, Étel Adnan, François Morellet, Sol LeWitt, Richard Long, Anish Kapoor, Jacques Monory, Niele Toroni, Robert Barry, Jésus Rafael Soto, Chiharu Shiota, Lee Ufan et d’autres figures marquantes de divers mouvements de l’art contemporain. Des expositions temporaires sont également proposées au fil des saisons. Une manière d’associer art et œnologie dans un lieu écrin au cœur de la forêt de pins, de cèdres et de chênes centenaires du Var. On s’arrête sur la place du “village Peyrassol” pour une pause rafraîchissante au Bistrot de Lou, ou bien pour un déjeuner ou un dîner au milieu des vignes avec vue sur le Damier Flottant Arc-en-ciel de Daniel Buren au restaurant chez Jeannette, qui propose une cuisine de saveurs provençales avec les produits de la récolte du potager, une cuisine parfumée des différentes herbes aromatiques qui poussent dans les jardins labellisés “remarquables”, conçus, autour de la bastide, par la paysagiste Gaële Bazennerye. Le caveau de dégustation et de vente s’ouvre par un auvent en acier corten conçu par l’architecte Charles Berthier, qui est aussi l’architecte fidèle de la Fondation Bernar Venet. La Commanderie de Peyrassol est un espace hors du temps à la rencontre des figures incontournables de l’art contemporain dans un cadre enchanteur. On peut également séjourner sur place dans l’une des chambres d’hôtes proposées aux visiteurs.
La Fondation Venet au Muy : un site exceptionnel pour un art monumental.
C’est au Muy dans le Var que Bernar Venet a installé sa fondation, finalement à mi-parcours entre ses Alpes de Haute Provence natales et Nice, la ville où sa vocation d’artiste s’est concrétisée, avant son départ pour les États-Unis. C’est le galeriste Enrico Navarra qui a soufflé l’idée de cette localisation à proximité de Saint-Tropez. Dédiée à l’art conceptuel, la Fondation créée en 2014 se déploie autour d’un moulin du 16e siècle acheté avec son épouse en 1989. L’artiste en a également fait son lieu de vie avec la construction de maisons au design minimaliste. En effet, après 54 ans passés à New York et des réalisations dans le monde entier, Bernar Venet est revenu sur ses terres de Provence. Sa fondation, de statut américain, est un lieu à l’image de son parcours tissé de rencontres marquantes avec des artistes qui ont accompagné son cheminement. Une manière de rendre une main tendue lors de son arrivée à New York. Lorsque Bernar et Diane Venet rachètent le Moulin des Serres, propriété organisée autour d’un barrage sur la rivière Nartuby, ils découvrent un domaine classé site pittoresque chargé d’histoire et d’anecdotes (Jean Marais y a tourné une scène du Bossu) qui a été le lieu d’installation de l’usine fabriquant les systèmes d’aiguillage des chemins de fer Paulvé. Aujourd’hui, deux parcs de sculptures monumentales s’étendent de part et d’autre de la rivière, une galerie d’exposition accueille chaque été, lors de la période d’ouverture au public, des expositions temporaires d’artistes amis, et l”usine” hangar d’expérimentations est un lieu où l’artiste conçoit ses sculptures aux dimensions toujours plus imposantes, toujours à la recherche d’une démarche objective, où le faire est l’essence de la création, laissant à l’écart le signifier. Bernar Venet qualifie ses sculptures d’ « autoréférentielles », c’est-à-dire qu’elles ne parlent que d’elles-mêmes, libérées de toute dimension morale, symbolique ou utilitaire. Elles adviennent dans la contingence entre le geste de l’artiste et les lois de la matière. L’ensemble de la Fondation compose ainsi un sublime parcours d’art et architecture. Les amis de Bernar Venet ont enrichi la collection de leurs réalisations in situ : on trouve entre autres la chapelle de Franck Stella installée en 2016, composée de six reliefs monumentaux abstraits en cercle de 15 m de diamètre, une piscine imaginée par François Morellet, des installations de Donald Judd, Sol Lewitt, Dan Flavin, Robert Motherwell, Richard long, Robert Morris, Kenneth Noland, ou Anish Kapoor… On pourra également vivre, durant la visite à la Fondation Venet, l’expérience immersive dans l’œuvre de James Turrell : Elliptic, Ecliptic est une des installations de la série des Skyspaces de James Turrell. À l’intérieur de ce bâtiment ovoïde, le spectateur est invité à s’asseoir afin d’observer le ciel à travers un espace resserré.
En cet été 2023, l’exposition temporaire met à l’honneur Robert Barry pour un travail conceptuel dont le matériau est le mot, le support l’intangible et un dispositif graphique qui nous invite à jouer d’associations de concepts pour aborder des questions en suspens sous différentes perspectives. Une nouvelle sculpture de Bernar Venet a également trouvé sa place dans le parc depuis quelques semaines : six arcs, une installation créée avec l’architecte Charles Berthier, fidèle partenaire de l’artiste pour les bâtiments de la Fondation. Cette sculpture monumentale est composée d’un ensemble d’arcs en acier corten tendus vers le ciel depuis leurs racines sous terre, pour un regard qui joue de la continuité entre intérieur et extérieur, en offrant de nouveaux points de vue.
La fondation à pour vocation de préserver la collection Bernar Venet qui comporte, outre ses propres œuvres, des acquisitions et des réalisations d’artistes au fil des affinités électives. Bernar Venet ne la conçoit pas comme un achèvement mais comme un projet toujours en devenir, qui ne cesse de se déployer et qui lui survivra. Car l’artiste a, comme il a récemment déclaré, à cœur de rendre ce que la société lui a donné, lui qui est parti de rien, venu d’une famille sans fortune. Le souci de transmission est constant chez cet artiste intarissable lorsqu’il s’agit de partager son expérience, dans des échanges qu’il mène toujours avec fougue et passion et en toute simplicité. Au printemps dernier, alors qu’une exposition lui est consacrée cette saison à Nice, comme une forme de retour sur le point de départ de sa carrière, Bernar Venet a donné une conférence au Centre Universitaire Méditerranéen sur la Promenade des Anglais, heureux de retrouver les niçois qui l’ont accompagné, heureux de raconter avec malice qu’il avait « volé » des matériaux à l’Opéra pour réaliser ses premières œuvres, heureux d’avoir pu restituer ce butin à la ville de Nice sous la forme des 9 lignes obliques monumentales qui bordent la Prom’ ou l’Arc dont la courbe reprend celle de la baie des anges installé dans le jardin Albert Ier.
La visite de la Fondation Venet est possible en été de juin à septembre du mercredi au vendredi sur réservation, car c’est aussi le lieu de vie de l’artiste : la découverte se fait donc en compagnie des formidables assistants de l’artiste qui nous dévoilent toutes les coulisses de la création. Des visites nocturnes et événementielles sont aussi proposées au cours de la saison estivale.
La Fondation Maeght, emblème de l'histoire de l'art d'après-guerre.
On ne présente plus la Fondation Maeght qui vient de rouvrir ses portes aux visiteurs en cet été 2023 après quelques mois de fermeture pour initier une rénovation architecturale qui devrait se poursuivre encore dans les mois à venir. Ce havre de paix sous les pins, bercé par le chant des cigales, à l’orée du mythique village perché de Saint-Paul de Vence et sa légendaire Colombe d’or, est empreint de l’Histoire artistique du XXe siècle et de la figure des incontournables marchands Aimé et Marguerite Maeght. C’est la première fondation d’art indépendante en France, conçue en 1964 avec l’architecte Josep Lluis Serp. Les Maeght se sont inspirés de leurs visites des fondations américaines comme la Fondation Barnes à Philadelphie ou le musée Guggenheim. Lors de l’inauguration en juillet 1964, André Malraux alors Ministre de la Culture avait déclaré : « Ici est tenté quelque chose qui n’a jamais été tenté : créer l’univers dans lequel l’art moderne pourrait trouver à la fois sa place et cet arrière-monde qui s’est appelé autrefois le surnaturel ». Les artistes amis du couple ont laissé leurs traces dans les murs en s’appropriant les différents espaces : Giacometti à qui une cour est dédiée, Mirò qui a conçu un labyrinthe emblématique, Calder, Braque, Chagall dont la mosaïque accueille les visiteurs, ou encore Fernand Léger ont investi jardins et espaces. On découvre des pièces de la collection permanente qui compte tous les grands noms de l’Art moderne et contemporain du XXe siècle, mais – telle était la volonté des Maeght – la fondation continue aujourd’hui de soutenir et mettre à l’honneur la création contemporaine par des expositions temporaires souvent commissionnées par des personnalités ou des descendants d’artistes. Cet été 2023 est l’occasion de (re)découvrir, pour une rétrospective riche de toute la diversité de son œuvre, l’artiste canadien Jean Paul Riopelle. L’exposition « Parfums d’atelier », sous le commissariat de la fille de l’artiste, Yseult Riopelle, permet d’explorer toutes les dimensions de son œuvre prolifique, entre figuration libre et abstraction, déployée sur différents supports. Peintures, dessins, estampes, sculptures, céramiques, collages, tapisseries composent un panorama qui ouvre un regard sur les techniques et expérimentations singulières utilisées par Jean Paul Riopelle, dans ses différents ateliers entre le Canada et la France.
On profite toujours de ces expositions temporaires pour se promener dans les jardins parmi les sculptures, et pour retrouver les toiles de Soulages, Bonnard, Chagall, Léger, autant d’artistes qui ont croisé la route d’un couple qui aura contribué à transformer le rapport à l’art.
L’été, le restaurant engagé Les Agitateurs à Nice, porté par une jeune équipe passionnée de produits locaux soigneusement sourcés, s’installe à la fondation Maeght pour des déjeuners et dîners « sous les Pins », l’occasion d’agrémenter sa visite de bonnes assiettes aux saveurs de la Méditerranée et au goût du soleil.
La Fondation Hartung Bergman à Antibes, un lieu paisible chargé de vibrations cosmiques.
La fondation Hartung Bergman, créée en 1994 à titre posthume dans le respect des vœux des artistes a ouvert ses portes au public l’an dernier, et l’on peut désormais la visiter en saison estivale les jours de semaine. Situé sur les hauteurs d’Antibes, l’ensemble comprenant une maison et les ateliers était depuis 1973 jusqu’à leur mort à la fin des années 1980 le lieu de vie et d’inspiration du couple au destin romanesque, qui a dédié sa vie à une recherche de l’abstraction picturale nourrie par l’observation des phénomènes naturels et cosmiques, avec un intérêt tout particulier pour la science de l’infini. L’architecture minimaliste est celle, d’origine, imaginée par les artistes avec l’architecte Mario Jossa (disciple de Marcel Breuer) ; elle se niche au cœur d’un champ d’oliviers centenaires dont le couple faisait récolte pour fabriquer son huile. Marcelle, leur cuisinière, témoin du travail quotidien de ces immenses artistes, est toujours là et propose ses petites salades fraîches du jour aux visiteurs, ainsi que ses gourmandises aux notes d’agrumes.
Bergman et Hartung ont toujours pris soin d’archiver, documenter et répertorier avec rigueur et minutie tout ce qui a pu nourrir leurs recherches et expérimentations. Leurs ateliers respectifs disposent de grands vitrages ouverts sur une lumière méditerranéenne qui a inspiré la singularité chromatique de certaines œuvres. La table de séchage en pierre devant l’entrée de l’atelier de Anna Eva nous permet d’imaginer la vie créative de l’artiste, qui s’est beaucoup référée au nombre d’or, cherchant la proportion la plus pure dans ses compositions. Ses superpositions de feuilles de métal qui jouent de la lumière transcrivent sur la toile les variations cosmiques observées depuis différents points de vue et différents lieux, notamment lors de séjours en Norvège. En fin de visite, on pénètre avec émotion dans l’atelier d’expérimentation de Hans Hartung, restitué dans son état d’origine, avec ses projections de peinture, ses pigments, ses instruments, son fauteuil roulant, sa béquille. Les murs sont constellés de peinture pulvérisée à la sulfateuse. On a l’impression que l’artiste vient tout juste de quitter la pièce et c’est bouleversant.
Chaque année, un accrochage renouvelé met en lumière une dimension de leurs œuvres, et en cet été 2023, la visite de la fondation Hartung Bergman prolonge la rétrospective consacrée à Anna Eva Bergman au musée d’Art moderne de la Ville de Paris qui s’est tenue au printemps et qui a bénéficié de prêts exceptionnels de la fondation. Ce lieu de conservation constitue un précieux centre de ressources et de documentation, en plus de lieu d’exposition, pour celles et ceux qui travaillent sur l’œuvre de ces deux artistes majeurs.
La Fondation CAB à St Paul de Vence, entre architecture, design et art conceptuel.
La Fondation Cab à St Paul de Vence se situe juste en face de la Fondation Maeght. Son fondateur, Hubert Bonnet, a souhaité prolonger par cette nouvelle adresse dans ce village mythique la mission de promotion de l’art minimal et conceptuel initiée à Bruxelles. Depuis bientôt trois ans, la superbe bâtisse des années 50 rénovée par l’architecte designer Charles Zana accueille, au fil des saisons, une partie de la collection permanente ainsi que des expositions temporaires. En saison hivernale, la fondation devient également une résidence d’artistes. On trouve aussi un jardin de sculptures qui entoure la demeure : Richard Long, Bernar Venet, Peter Downsborough, Charlotte Van der Borght, Jonathan Monk, Arik Levy ou Fabrice Samyn.… Et une maison modulable démontable Jean Prouvé, structure de 6m x 6m meublée et installée dans le parc, bordée d’un bassin, à l’abri des pins et des agrumiers, une maison qui peut être réservée pour des séjours en immersion dans les expérimentations avant-gardistes de cette figure majeure des arts-déco. La Fondation Cab propose quatre chambres d’hôtes designées par Charles Zana et un restaurant, Sol, qui offre aux résidents comme aux visiteurs d’agréables petit déjeuners, brunchs, goûters, lunchs et dîners. Cet été 2023, une exposition est consacrée à Niele Toroni et ses empreintes de pinceau, et une autre exposition met à l’honneur les créations emblématiques de l’architecte décoratrice Andrée Putman.
On retrouve dans les collections permanentes les œuvres de Sol LeWitt, François Morellet, André Cadere, Dan Flavin, Robert Morris… L’accueil est remarquable par le souci d’échanges et de conversations autour des œuvres présentées : n’hésitez pas à solliciter la conservatrice qui se fait toujours un plaisir de partager des connaissances passionnées sur l’émergence des mouvements du minimalisme au XXe siècle.